Exposition
Pierre Clément, Kahina Loumi, Mobilier Peint, Nicolas Momein, Samir Mougas, Sylvain Rousseau, Eva Taulois, Victor Vialles
L’exposition collective A Hard Edge With a Soft Core, qui réunit neuf artistes dont un duo, est en germe depuis une rencontre en résidence à la Cité Internationale des Arts entre Pierre Clément, Nicolas Momein et Samir Mougas. Son pari est de rassembler des artistes travaillant avec des matières molles en cours de solidification qui enregistrent les traces d’un geste.
Les œuvres de Pierre Clément et Nicolas Momein balisent le spectre du territoire exploré par cette exposition. Au pôle le plus aride, Pierre Clément présente des images numériques sur-tramées avec des motifs réalisés en série dans une impossible projection de l’esprit au fil du parcours de cordelettes synthétiques. À l’autre pôle de ce monde, Nicolas Momein surfe sur les volutes capricieuses d’un matériau de moulage qu’il contraint avec force drippings, contenus dans des shaped-canvases en Plexyglas. Il brouille les pistes entre sculptural et pictural avec ses incroyables chaos figés.
D’autres rencontres ont rendu la réalisation de ce projet nécessaire : les œuvres de Kahina Loumi démêlent le nœud gordien de cette exposition. Derrière ses couleurs peintes en camaïeux souples, on trouve l’exigence de la composition qui appareille des gestes picturaux avec des éléments de tissu préparés, découpés et cousus entre eux. Ses œuvres croissent ainsi à l’extrémité des ramifications où le pictural et le sculptural se mêlent inextricablement.
Les objets bien visibles et très dessinés présentés par Eva Taulois et Victor Vialles sont campés au sol de l’espace du HubHug. Le geste d’inscription dans un espace à trois dimensions est renouvelé avec une grâce nerveuse dans les œuvres de Victor Vialles. Impossible de ne pas visualiser le matériau dont serait fait un trait tracé, impossible de manquer les lignes de forces évoquées par la gamme d’objets assemblés autour de ses barres de pole-dance. Cette dimension animiste offerte par les circonvolutions de la matière s’exprime encore davantage dans les œuvres d’Eva Taulois. Elle invoque dans notre dimension deux entités sculpturales singulières, véritables golems de matériaux en expansion renforcés des pouvoirs de la couleur mate. Elles communiquent avec nous en s’exprimant dans un langage fait d’intuitions et d’émotions plus que de mots et de concepts.
Collant tout à fait à la matière molle qui durcit peu à peu, le dessin projeté par Sylvain Rousseau à une échelle démesurée démontre qu’une forme lisible est une peau vivante. Elle est composée d’éléments fondamentaux, comme l’énergie de l’extrusion qui la fait s’étendre sur une surface et la volonté de pousser l’expérience jusqu’au moment où l’habillage est complet. Les dessins de Samir Mougas sont projetés en creux dans la matière fusible, leurs empreintes sont révélées comme on relève avec du plâtre les indices du passage d’une bête antédiluvienne dans la boue pétrifiée. Ses formes croquées à l’échelle d’un Post-it serpentent dans la résine polyester et rayonnent de l’énergie noire qui porte le spectre de toutes les couleurs visibles jusqu’à nos yeux.
A Hard Edge With a Soft Core n’aurait rien d’un pari sans la carte blanche offerte au duo d’artistes Mobilier Peint, composé de Flora Moscovici et Yoan Sorin. Flora Moscovici diffuse habilement la peinture dans l’environnement qui en devient le support. Ses œuvres rendent la couleur tangible, palpable et aussi mystérieuse que le serait un phénomène physique inconnu. Yoan Sorin dispose de plusieurs cordes à son arc : ses travaux couvrent plusieurs registres de gestes et annexent différentes formes du temps. Il travaille souvent avec son propre corps qui vectorise une énergie projetée vers l’audience. Mobilier Peint approche le geste qui empreinte la matière en puisant dans une vaste typologie de matériaux, de surfaces et de supports, qui parle au nom de tous les artistes de A Hard Edge With a Soft Core.
Samir Mougas
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