Montfort-sur-Meu (35160)

Informations Pratiques

Quinconce galerie

Non classé

25.05.23 → 01.07.23
Once upon a time: a sleep, a view and a whisper – Thibault Philip

ONCE UPON A TIME: A SLEEP, A VIEW AND A WHISPER

« Par la barbe de mon menton »
un texte de Vincent-Michaël Vallet

Le point de départ de l’exposition «Once upon a time: a sleep, a view, and a whisper» de Thibault Philip est un conte que nous croyons tous connaître. Nos mémoires d’enfants se le remémorent vaguement, mais peuvent-elles encore en saisir la pleine mesure ? « Les trois petits cochons » est en effet un récit plus complexe qu’il ne le laisse croire, bien qu’il soit construit simplement. Trois petits cochons construisent trois maisons ; la première est en paille, la seconde est en bois et la dernière est en brique. Les deux premières, pas assez solides, se feront renverser par le souffle du loup.
Mais arrêtons un instant avec le conte de Léonard Leslie Brooke puisque ce récit n’est qu’un support pour en écrire un nouveau, celui de l’exposition.
Thibault Philip, est diplômé d’un DNSEP en design et son travail développe une pratique audacieuse et radicale autour du vivant. Il met en place plusieurs processus de fabrication à partir de matériaux organiques et dans cette première étape de développement, c’est le cochon, l’un des animaux les plus consommés dans le monde, qui a retenu l’attention de l’artiste.
De recherches en expérimentations, Thibault Philip a mis au point différentes méthodes autour des qualités techniques de l’intestin de porc lui permettant d’obtenir des surfaces souples ou rigides, plates ou tubulaires, mais aussi complexes selon les gabarits auxquels elles sont indexées. Ces multiples possibilités de transformation lui permettent ensuite de réaliser des œuvres entre objets design et formes sculpturales.
Revenons au conte à présent. Gardons en mémoire la paille, le bois, la brique (ici recyclée). Ces matériaux sont les mêmes que mettent à profit aujourd’hui les architectes low-tech pour penser les architectures durables. En partant de ce constat, Thibault Philip décide de les injecter dans un processus créatif qui questionne le rapport que nous entretenons à l’habitat et au confort. Un dialogue savamment orchestré va les lier aux matériaux organiques pour incarner métaphoriquement les étapes du conte à travers trois sculptures,»a sleep », « a view », « a whisper ». Trois formes qui évoquent les idées suivantes : un lit, une fenêtre, un carillon ; autrement dit, le sommeil, le rapport entre intérieur et extérieur et pour finir, le plaisir esthétique.
« A sleep » évoque le confort le plus élémentaire d’une habitation, un endroit pour s’abriter et dormir. La sculpture composée de grandes surfaces d’intestin rembourrées de paille emprunte la forme d’une grande parure de lit et par la même occasion dévoile sa fragilité. Un peu plus loin, « A view » convoque une technique ancienne qui permet de gagner en transparence lorsque l’on applique sur une membrane, un peu d’huile de lin. Cette sculpture, dont l’armature est en osier, évoque l’idée d’une fenêtre, d’un dedans et d’un dehors, mais surtout d’un « au travers » qui ajoute à l’habitation une deuxième couche de sécurité, celle d’apercevoir l’extérieur. Pour finir « a whisper » prend la forme d’un carillon contemplatif.
Il évoque la dernière habitation du conte, celle ou après avoir bien œuvré, on peut se laisser aller à un peu d’oisiveté contemplative bien méritée.
Les contes sont des objets littéraires mystérieux. Ils relèvent bien souvent d’écrits épars et d’une forme d’oralité qui ont permis les réinterprétations et les réécritures. À l’instar de Léonard Leslie Brooke qui nous livre l’une des nombreuses formes du récit, Thibault Phillip propose de garder le récit comme une ligne conductrice pour nous expliquer ces choix et créer des œuvres. Point de départ, prétexte ou motif ; l’objectif d’un conte est d’offrir à qui tend l’oreille, une moralité. À ce titre, l’exposition « Once upon a time, a sleep, a view, and a whisper » est de bien des manières une exposition engagée. L’artiste designer y exprime son désir d’être sensible à son environnement et de prendre part aux enjeux écologiques qui le traversent. Il en tire une fine analyse qui nourrit une création contemporaine en phase avec son époque ; utiliser les déchets au lieu d’en produire.
En prélevant au récit, c’est aussi et de bien des manières, une exposition qui ouvre la voie d’une poétique du réel. Ne faut-il pas se raconter des choses pour être capable de les vivre ? Quelle place prennent les récits dans nos vies ? Ici, Thibault Phillip nous raconte une histoire de matériaux et d’utilité, de beauté et de pertinence, de design et d’art. Dans le conte, les trois cochons usent souvent d’un ancien juron. Entre surprise et évidence, colère et admiration,
il revient fréquemment. Face à l’engagement artistique dont fait preuve Thibault Philip, j’aimerais à mon tour me le permettre : « Par la barbe de mon menton ».

INFORMATIONS SUPPLÉMENTAIRES

  • Vernissage le 25.05.23 à 18h