Exposition
L’exposition imaginée par Emma Seferian nous entraîne dans un parcours coloré, où l’espace domestique s’invite au cœur de l’Abbaye de Léhon. Elle invite à des allers-retours entre diverses références et médiums: poésies, musique, céramiques, enluminures arméniennes, peintures…
Emma Seferian joue avec des techniques artisanales et contemporaines pour offrir une installation sensorielle où la poésie du quotidien est au centre de la pièce.
Pour cette exposition, elle transforme l’espace en y installant des tissus suspendus, présentés sous forme de peintures non enchâssées, des tapis, des céramiques et des tapisseries. Son travail explore la mémoire dans nos environnements de vie, cherchant à lier objets et techniques textiles à des récits personnels de transmission intergénérationnelle. Elle s’inspire également de ses propres origines arméniennes en y intégrant motifs et paysages.
La notion d’in situ joue un rôle crucial dans sa démarche, car l’artiste souhaite repenser cet espace pour le rendre à la fois confortable et accueillant. L’aspect immersif de l’exposition est renforcé par la création d’une pièce sonore diffusée en boucle, composée de poèmes et de musique, faisant écho aux peintures et objets qui traversent l’exposition.
Le geste d’Emma Seferian est pensé dans le quotidien. Il naît de la liberté offerte par l’espace de l’atelier. Il devient le « vrai lieu » 1 ; cette espace où le sujet se laisse absorber dans une pure activité créative, où l’élaboration d’œuvres devient une présence rassurante, là où le sentiment d’existence s’intensifie.
D’ailleurs, les formes plastiques découlent des différentes pratiques que l’atelier permet : peintures, céramiques, tapisseries, canevas et broderies. Traditionnellement, ce sont des techniques assignées aux femmes qui se transmettent par la filiation matriarcale et l’espace de la sororité.
Emma convoque une constellation mouvante des relations affectives autour de la famille. Pour la philosophe Claire Marin, cette question de la place est aussi celle de la réappropriation personnelle d’un héritage familial². Dans son travail, l’artiste navigue volontairement ainsi entre plusieurs mondes ; celui de la culture arménienne d’où elle tire ses origines paternelles, celui de la culture bretonne maternelle, en passant par sa propre expérience. Elle exprime cette fluctuation dans son œuvre par une forme de déplacement constant entre les médiums, les références, les héritages, pour former des objets composites, autant dans leur forme que dans leur fond.
Pierre Ruault, zerodeux, n°104, texte rédigé sur l’exposition Amours, marguerites et troubadours, CAC Passerelle, Brest, 2023
1 Annie Ernaux, Le vrai lieu. Entretien avec Michelle Porte, Paris : Ed. Gallimard, coll. folio, 2022.
2 Claire Marin, Être à sa place, Paris : Ed. de L’Observatoire, 2022, pp. 9-17.
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