• Passerelle Centre d’art contemporain
    • 2025
    • De la côte, vers l’ouest

    • Exposition
    • https://www.artcontemporainbretagne.org/wp-content/uploads/CACP2025-Aurore-Bagarry-008_2.jpg
    • 20.06.25 → 20.09.25
      Exposition
      Passerelle Centre d’art contemporain
    • Aurore Bagarry

      Aurore Bagarry (1982) nous invite à un voyage hors des sentiers battus, bien au-delà de la simple représentation du paysage. En regardant ses photographies, nous ne sommes pas face à des vues pittoresques, mais plongés dans des paysages-temps, des tableaux où la géologie se mue en chorégraphie silencieuse, et où la lumière sculpte le passage des ères.

      À travers ses séries emblématiques, des majestueux « Glaciers » aux « Roches » brutes et aux étendues mutantes « De la côte », Aurore Bagarry ne capture pas l’instant, elle en révèle la longueur. Sa pratique de la chambre photographique, exigeante et méditative, ralentit le geste, impose une patience qui se répercute sur l’image elle-même. Les détails infimes des strates rocheuses, la texture ciselée par les éléments, les nuances chromatiques révélées par l’aube ou le crépuscule, tout concourt à une expérience sensorielle profonde, presque tactile. Ce n’est plus seulement l’œil qui perçoit, c’est le corps tout entier qui ressent la puissance des forces à l’œuvre.
      L’artiste y déploie une réflexion sur la mutation incessante du monde. Ses côtes, balayées par les marées, révèlent des frontières poreuses et des formes d’une fragilité monumentale, là où terre et mer se rencontrent, s’érodent et se transforment sans cesse. Aurore Bagarry interroge notre place face à ces temporalités immenses. Elle nous rappelle que le paysage est une écriture collective, gravée par l’eau, le vent et le mouvement des plaques terrestres, bien avant l’intervention humaine.

      En contemplant ses œuvres, nous sommes invités à une humilité vis-à-vis du temps géologique, à une prise de conscience de notre propre échelle éphémère. L’artiste ne cherche pas à dompter la nature, mais à entrer en résonance avec elle, à en saisir l’essence même : une beauté brute, une force tranquille, et une constante réinvention. L’exposition d’Aurore Bagarry est une immersion dans la matière du monde, un dialogue intime avec les éléments qui façonnent notre planète, nous conviant à voir au-delà de la surface, là où le temps s’incarne.

      L’exposition d’Aurore Bagarry s’enrichit aujourd’hui d’une voix singulière : celle de l’artiste Vava Dudu (1970). Invitée à poser son regard sur les « côtes » d’Aurore Bagarry, Vava Dudu nous entraîne vers d’autres rivages, ceux des Caraïbes, à travers une exploration poétique et sensorielle. Ses mots, tissés de sensations et de rythmes insulaires, dialoguent avec la minéralité et la temporalité des images de la photographe. Ce geste unique est une invitation à percevoir comment la terre et la mer, qu’elles soient polaires ou tropicales, murmurent des récits universels, transformés par le prisme d’une sensibilité vibrante.

    • Passerelle Centre d’art contemporain
    • 2025
    • Pulsar

    • Exposition
    • https://www.artcontemporainbretagne.org/wp-content/uploads/CACP2025-Sara-Ouhaddou-et-Mounir-Ayache-051_3.jpg
    • 20.06.25 → 20.09.25
      Exposition
      Passerelle Centre d’art contemporain
    • Sara Ouhaddou, Mounir Ayache

      L’exposition Pulsar invite à une réflexion profonde sur la notion de tradition à travers les œuvres de Mounir Ayache (1991) et Sara Ouhaddou (1986). Si tous deux puisent dans un héritage culturel riche, leurs démarches se distinguent par des interprétations singulières : l’un réinventant le concept même de tradition, l’autre assurant la pérennité de savoir-faire ancestraux. Leurs travaux résonnent avec les questionnements philosophiques sur la mémoire collective, la rémanence des savoirs et l’émergence de nouvelles formes culturelles. Au cœur de l’exposition se trouve une œuvre inédite réalisée à 4 mains, intitulée Pulsar – en référence au cœur d’une étoile effondrée qui émet encore de la lumière – et fait le pont entre les pratiques de ces deux artistes.

      Mounir Ayache aborde la tradition non pas comme un ensemble figé de règles ou de formes à reproduire, mais comme un champ de potentiel infini, ouvert à la réinterprétation. Son travail se caractérise par une déconstruction et une reconstruction audacieuse des codes établis incluant notamment des références à la science-fiction. Dans la lignée des réflexions sur les identités culturelles dynamiques proposées par des penseurs comme Stuart Hall (1932-2014), Ayache nous montre que ce que nous percevons comme ancien est souvent une construction malléable, susceptible d’être remodelée par le présent. Il n’hésite pas à s’approprier des motifs, des techniques ou des récits traditionnels pour les confronter à des langages contemporains, les insérer dans de nouveaux contextes, et ainsi leur insuffler une vitalité inattendue. Chez Ayache, la tradition est une matière vivante qui s’enrichit des dialogues qu’elle établit avec le présent, embrassant une forme d’hybridité culturelle chère à des philosophes comme Kwame Anthony Appiah (1954). Ses œuvres nous invitent à questionner nos propres perceptions de l’héritage culturel et à envisager la tradition comme une force motrice d’innovation, capable de se renouveler sans cesse.

      En contraste, Sara Ouhaddou se positionne comme une passeuse de savoir-faire millénaires. Son art est profondément enraciné dans les techniques artisanales ancestrales, souvent transmises de génération en génération. Loin d’une simple reproduction, son approche est celle d’une transmission et d’une réactualisation. Elle collabore avec des artisans, s’immerge dans leurs pratiques et contribue à préserver des gestes et des connaissances qui, comme l’a si bien souligné l’écrivain malien Amadou Hampâté Bâ (1901-1991) en parlant des traditions orales africaines, constituent des bibliothèques vivantes. Ces savoirs sont la mémoire collective d’une communauté, permettant aux techniques et aux récits de persister à travers les âges. L’œuvre d’Ouhaddou met en lumière la richesse et la complexité de ces traditions artisanales, et démontre comment la perpétuation de ces savoir-faire est essentielle non seulement à la préservation d’un patrimoine matériel, mais aussi à la continuité d’un patrimoine immatériel et identitaire. Son travail est un témoignage éloquent de la capacité de la tradition à perdurer et à s’adapter, tout en conservant son essence et sa profondeur, incarnant une rémanence essentielle pour la vitalité culturelle.

      Ensemble, les artistes nous démontrent que la tradition n’est pas un bloc monolithique, mais un concept pluriel, en constante évolution. Elle peut être une source d’inspiration pour l’expérimentation la plus radicale, tout comme elle peut incarner la force tranquille d’une continuité ininterrompue. Leur dialogue nous invite à célébrer la richesse de notre passé tout en embrassant les transformations nécessaires pour construire l’avenir, offrant ainsi une vision complexe et enrichissante de notre rapport au patrimoine.

    • Passerelle Centre d’art contemporain
    • 2025
    • Leader Pride 2

    • Exposition
    • https://www.artcontemporainbretagne.org/wp-content/uploads/CACP2025-H-Alix-Sanys-et-Bye-Bye-Binary-006_2.jpg
    • 20.06.25 → 20.09.25
      Exposition
      Passerelle Centre d’art contemporain
    • H·Alix Sanyas & Bye Bye Binary

      L’exposition LEADER PRIDE 2 rassemble des œuvres de H·Alix Sanyas et de la collective belgo-française Bye Bye Binary. Bye Bye Binary s’est formée en 2018 lors de workshops entre l’École de Recherche Graphique (erg) et La Cambre à Bruxelles, et se définit comme une expérimentation pédagogique, une communauté, un atelier de création typographique, un réseau et une alliance. Leur travail est centré sur la création de nouvelles formes typo·graphiques adaptées à la langue française, notamment par la conception de glyphes et ligatures (et d’autres éléments de symbiose ou de liaison) qui permettent d’exprimer une plus grande diversité d’identités de genre au-delà du binaire masculin/féminin. Leur démarche est profondément politique et engagée, s’inscrivant dans une perspective regroupant de nombreuses luttes. Elles questionnent la charge politique du design graphique, du langage et de la représentation des corps et des identités.

      Iels ont notamment développé une typothèque qui présente des fontes inclusives, non-binaires, post-binaires en construction, et ont créé la Queer Unicode Initiative (QUNI) pour faciliter l’utilisation de ces fontes. Iels ont aussi récemment élaboré des « Conditions d’Utilisations Typographiques Engageantes » (CUTE) qui encadrent leurs usages.

      Au cœur de l’exposition se trouve une série de bannières de la collective Bye Bye Binary qui s’inscrit pleinement dans leur démarche de rendre visible et d’affirmer des identités et des langages non-binaires. Présentées une première fois à La Station – Gare des Mines à Paris, ces bannières ne sont pas de simples objets décoratifs ; ce sont des manifestes flottants. En affichant des messages en typographies non-binaires ou inclusives (comme celles qu’iels développent), ces bannières ne se contentent pas de parler de l’inclusivité, elles la mettent en pratique de manière visible et grand format. Le drapeau, symbole de pouvoir, d’appartenance nationale ou de groupe, devient un véhicule didactique et performatif pour leurs recherches. En l’investissant de leurs messages queer et non-binaires, Bye Bye Binary opère une subversion symbolique forte. Iels détournent un outil de l’hégémonie pour en faire un étendard de la diversité et de la résistance.

      En parallèle de fanzines et d’objets imprimés, la nouvelle installation de H·Alix Sanyas est également exposée. Produite dans le cadre du Nouveau Printemps 2025 à Toulouse, JE VEUX YN PRÉSIDOL est une installation vidéo qui explore la représentation du désir et des luttes LGBTQIA+ à travers le prisme du langage et du design. L’installation s’inspire notamment des archives de la campagne présidentielle américaine de l’auteurice Eileen Myles, figure de la communauté LGBT, et du poème I want a President de Zoe Leonard. La candidature de Myles était une campagne non conventionnelle de write-in (où l’électeurice écrit le nom de læ candidat·e sur le bulletin) et s’est déroulée sous le slogan « An Openly Female Candidate » [Une candidate ouvertement femme]. Sa démarche était à la fois un projet de performance artistique, une protestation et une forme de critique politique.

    • Passerelle Centre d’art contemporain
    • 2025
    • Dis-moi que la nuit se déguise

    • Exposition
    • https://www.artcontemporainbretagne.org/wp-content/uploads/CACP2025-Martin-Routhe-053_3.jpg
    • 20.06.25 → 20.09.25
      Exposition
      Passerelle Centre d’art contemporain
    • Martin Routhe

      Après avoir passé 3 mois à Passerelle dans le cadre du programme conjoint avec DDA Bretagne, les Chantiers-résidence, Martin Routhe (né en 1994, vit et travaille à Brest) y présente une exposition personnelle. Diplômé de l’école d’art de Brest en 2023, il est tour à tour peintre et sculpteur et propose une vaste installation qui fonctionne comme un tout.

      La phrase « Où es-tu ? » s’impose à la fois comme un mantra et un cri. Ces quelques mots très simples sont empruntés à un écrit de la grand-mère de l’artiste à la suite de la disparition de son mari. L’exposition prend comme point de départ cette douleur intime, l’impression de vide et cette question métaphysique de la présence de celles et ceux qui nous ont quitté. Les œuvres produites spécialement pour l’occasion témoignent de moments de vie ; les sculptures ont une apparence domestique et reprennent les codes du mobilier. Il y a d’un côté cette envie de réfléchir sur la question du décoratif, dans la lignée de l’artiste Marc-Camille Chaimowicz (1947-2004), et de l’autre cette idée de « meubler l’espace » telle une maison de poupée et de chercher une âme potentielle dans les objets qui nous entourent. Les œuvres agissent comme des éléments d’un théâtre muet à l’instar de celles de l’artiste Jessica Stockolder (1959). L’illusion s’invite et les frontières de la réalité se brouillent : des gants ou encore des chaussures se trouvent être finalement des sculptures, des pièces de portail en fer forgé deviennent des lampes. Les objets ont un potentiel de vie comme ceux du film La belle et la bête (1946) de Jean Cocteau ou du dessin animé du même nom des studios Disney (1991). Une seule figure habite l’espace, un lapin qui rappelle celui d’Alice au pays des merveilles ou les créatures de Pokémon. Martin Routhe est profondément marqué par la culture japonaise de l’image et puise dans les mangas du collectif d’autrices CLAMP, et plus particulièrement dans le personnage de Sakura, chasseuse de cartes ou dans la boutique de la sorcière de xxxHOLiC, un imaginaire « hors du temps ». Le visiteur est invité à devenir le personnage d’un manga, d’une bande dessinée en trois dimensions, telle la paire de jambes, librement inspirée d’un dessin animé de Tom et Jerry, qui débarque au milieu des motifs comme un élément perturbateur et joyeux.

      Le titre « Dis-moi que la nuit se déguise » est extrait d’une chanson de Mylène Farmer et raisonne tel un haïku. La poésie de ces mots ramène aux réflexions qui habitent l’artiste : quelles sont les limites de notre réalité ? Quels artifices nous entourent ?

    • Passerelle Centre d’art contemporain
    • 2025
    • N’oublie jamais jamais les fleurs

    • Exposition
    • https://www.artcontemporainbretagne.org/wp-content/uploads/IMG_5782-scaled.jpg
    • 28.02.25 → 17.05.25
      Exposition
      Passerelle Centre d’art contemporain
    • Marie Boyer

      Lauréate des Chantiers-Résidence, dispositif porté par Passerelle et Documents d’artistes Bretagne, Marie Boyer (1997) expose une série d’œuvres inédites réalisées à Passerelle. Diplômée de l’École européenne supérieure d’art de Bretagne – site de Quimper, l’artiste développe au centre d’art un jardin étonnant et joyeux où la peinture se mêle à la botanique et à l’esthétique japonaise des mangas.

      « Il y a des fleurs partout pour qui veut bien les voir » déclarait Henri Matisse. Cette citation cheesy – un peu kitsch – pourrait décorer une boîte de chocolat ou orner le fronton d’une jardinerie ; pourtant elle amène à des réflexions bien plus profondes qu’elle ne le semble sur le rôle de l’art et de la présence de la joie dans nos vies. Cette phrase dite par un si célèbre peintre raconte beaucoup de la pratique de Marie Boyer. Elle voit les fleurs comme des « êtres vivants destinés à être peint », comme une sorte de motif idéal et parfait. Cet amour de la flore lui vient pour part de sa famille d’un côté originaire de l’île de la Réunion où les plantes foisonnent inconsidérément et d’un autre côté de l’un de ses grands-pères qui était passionné de composition florale. Ce dernier les documentait en les photographiant et les classant soigneusement dans des classeurs que l’artiste a observés attentivement.

      Marie Boyer regarde avidement l’histoire de la peinture, sachant pertinemment que les fleurs sont un sujet et une iconographie particulière qui ont été largement représentées par ses pairs. Comprendre l’histoire de l’art lui permet de comprendre sa propre pratique d’artiste. Elle observe les peintres de la Renaissance, voue une passion à Jean Siméon Chardin (1699-1779) et à Diego Velázquez (1599-1660) tout en appréciant des œuvres plus modernes et contemporaines depuis Georgia O’Keeffe (1887-1986) – peintre américaine solitaire, inclassable, qui la fascine tant pour son art que pour ses choix de vies – au duo Ida Tursic & Wilfried Mille (1974) qui sonde les profondeurs anonymes d’internet. Marie Boyer s’intéresse à ce qui différencie « la bonne peinture » de la croûte : est-ce une question de technique, de positionnement ou encore de statut ? Elle s’astreint à changer régulièrement de style, parfois entre chaque peinture, parfois après une série ; il s’agit d’un besoin qui nourrit sa pratique. À Passerelle, elle fait le choix de transposer la planéité de la toile dans l’espace, transformant les peintures traditionnelles en sculpture étonnantes. Les salles d’expositions deviennent jardin exubérant. Les fleurs sont comme des personnages dans lesquels le public peut projeter ses propres envies, ses désirs et ses expériences. Lorsque Marie Boyer représente des corps, ceux-ci servent de support à ses motifs végétaux. Certaines des fleurs présentées reprennent des bribes d’animés issus de la culture manga japonaise tels que Sailor Moon et Cat’s Eyes. Marie Boyer expliquait récemment que « la peinture est une magie joyeuse qui permet de trouver des solutions infinies pour représenter le monde ». Cette phrase s’avère aussi cheesy et sérieuse que celle de Matisse et dévoile la conception de l’artiste : la peinture est avant tout une question de plaisir !

    • Passerelle Centre d’art contemporain
    • 2025
    • Setu avec Charlotte Beltzung, Romain Bobichon, Pauline Lecerf

    • Exposition
    • https://www.artcontemporainbretagne.org/wp-content/uploads/setu-schema-2022.jpg
    • 28.02.25 → 17.05.25
      Exposition
      Passerelle Centre d’art contemporain
    • Setu avec Charlotte Beltzung, Romain Bobichon, Pauline Lecerf

      Setu est un laboratoire qui défend la création en invitant et en accompagnant les artistes à présenter des formes performatives, vivantes et en écriture. « Setu » signifie “voici, voilà” en breton (prononcez “sétu” \ˈsetːy\ ). Mot de début et mot de fin, « Setu » est un terme qui, littéralement, montre et présente. « Setu » ouvre et ponctue une action, et par là, met en valeur le moment présent de la représentation. Setu est né de la volonté de générer de la rencontre au croisement de différentes pratiques, scènes et générations d’artistes, afin de construire ensemble le festival Setu qui a lieu chaque fin d’été à Elliant dans le Finistère Sud depuis 2016.

      Au cœur de l’association Setu, on trouve un groupe d’artistes-auteur.ices, qui s’augmente régulièrement d’équipes professionnelles et bénévoles. Son projet a évolué au fil des années au contact d’un grand nombre d’artistes au travail. Trois de ces artistes – Pauline Lecerf (1993), Charlotte Beltzung (1989) et Romain Bobichon (1988) – sont invité.es à investir l’espace d’exposition aux côtés de Setu en proposant des œuvres qui entrent en écho avec les enjeux d‘un art vivant, tout en action et en métamorphoses.

      Un ensemble de matériel et d’outils nécessaire à des activations de l’exposition incarne, au même titre que les œuvres, l’écosystème du festival. Ces formes hybrides sont autant d’éléments de récits capables de tisser des liens entre ce qui se joue à Passerelle et l’histoire qu’est Setu.

      Durant l’exposition, des rendez-vous sont donnés au public de Passerelle, l’occasion de convier d’autres artistes et associations amies à participer au mouvement. Les équipes du festival habiteront également l’espace du centre d’art pour des temps de travail en commun et au contact des publics. Ces activations sont pensées comme un élargissement, une mise en tremblement de l’exposition qui célèbre la porosité des gestes au sein de Setu. Un moyen d’affirmer une posture de collectif à la fois artiste, auteur et diffuseur, et de révéler les temps de création et d’écriture qui animent l’association depuis ses débuts.

    • Passerelle Centre d’art contemporain
    • 2025
    • Eaux troubles : réfractions des Caraïbes

    • Exposition
    • https://www.artcontemporainbretagne.org/wp-content/uploads/IMG_9043-copie-scaled.jpg
    • 28.02.25 → 17.05.25
      Exposition
      Passerelle Centre d’art contemporain
    • Louisa Marajo, Jérémie Paul, Yoan Sorin - Curator: Arden Sherman

      En 1902, en Martinique, la montagne Pelée est entrée en éruption, dans ce qui s’est avéré depuis la pire catastrophe volcanique du 20e siècle. Elle a tué trente mille personnes et complètement détruit la ville portuaire de Saint-Pierre. Quarante ans plus tard, de l’autre côté de l’océan Atlantique, les troupes américaines libéraient la ville de Brest, alors sous occupation allemande, lors de violents bombardements pendant la Seconde Guerre mondiale. Le paysage est dévasté, jonché de ruines et on dénombre près de mille morts. Si ces deux évènements diffèrent par bien des aspects, le résultat est le même : deux villes animées, pleines de vie, ont été rasées et réduites au silence. L’immortalisation en photographie de ces désastres a produit des images de destruction aussi riches en émotions que fascinantes : structures vides, rues couvertes de poussières laissant apercevoir un horizon dégagé. Des images magnifiques, pour un sujet catastrophique.

      Nous vivons une époque marquée par ses divisions, caractérisée par de forts contrastes au sein d’un contexte mondial. Des dichotomies comme rouge et bleu, droite et gauche, beau et laid, ou désastre et triomphe, sont amplifiées par les médias, la politique et la culture visuelle. Capturer une image d’une catastrophe constitue souvent une très belle photographie, ce qui nous amène à penser la tension entre ces forces opposées. S’il existe bien une tendance humaine à vouloir « convertir » l’autre, la philosophie de l’auteur et penseur martiniquais Édouard Glissant (1928-2011) propose une autre possibilité. Glissant souligne le pouvoir de l’Opacité et suggère qu’une coexistence pacifique est un outil plus puissant que toute tentative de transformer l’Autre. Comme il l’écrit, « Seulement en concevant qu’il est impossible de réduire qui que ce soit à une vérité qu’il n’aurait pas générée de lui-même » (« Pour l’Opacité », in Poétique de la relation, 1990, p. 208).

      Le concept d’Opacité, qui épouse contrastes et dualités, constitue une clef pour comprendre les travaux de Louisa Marajo (1987), Jérémie Paul (1983) et Yoan Sorin (1982), trois artistes d’origine caribéenne francophone qui vivent et travaillent actuellement dans l’hexagone. Leur histoire, tout comme celle des îles volcaniques de la Martinique et de la Guadeloupe dont ils sont originaires – de puissantes masses terrestres émergeant du bleu chatoyant de la mer des Caraïbes – n’a rien de linéaire. Telles des eaux troubles qui limitent la transparence, Marajo, Paul et Sorin naviguent entre deux domaines qui se chevauchent : l’un prend racine dans la lointaine histoire coloniale de leurs ancêtres, l’autre est modelé par leur vie actuelle dans le monde globalisé de l’art contemporain.

      Pour Louisa Marajo, l’enquête qu’elle mène sur la biologie de la Martinique fournit une perspective éclairante sur son œuvre. Elle se concentre sur l’imagerie des herbes marines toxiques qui menacent le littoral en perturbant à la fois l’écosystème naturel de l’île et la vie de ses habitants. Son œuvre dynamique s’inspire de la destruction de Brest en 1944 ainsi que de la désintégration continue de la planète liée à l’ingérence humaine. Cette réflexion sur le passé donne un aperçu poignant et quasi prophétique de l’avenir : si nous échouons à prendre soin de nos ressources naturelles, que restera-t-il ? Cette vaste installation peut être vue comme une vague, une montagne, ou simplement une force énergétique : un geste évocateur désignant les effets du changement climatique et de l’influence humaine sur notre fragile Terre.

      Jérémie Paul plonge dans les récits créoles, les histoires et émotions familiales, et y trouve de riches sources d’inspiration. Sa pratique explore des thèmes régénératifs : l’interprétation de la danse, des sonorités musicales, des paysages marins et terriens, ou des couleurs. Paul a une approche additive, par strates : chaque idée s’appuie sur la précédente. Fondé sur l’analyse de son histoire personnelle – qui il est aujourd’hui, d’où il vient et quelles ont été les expériences de sa famille – Paul crée des récits hauts en couleur, faits de paysages oniriques, de puits émotionnels et de réfractions existentielles.

      Yoan Sorin travaille à partir d’objets trouvés, recyclés – vestiges des expositions passées – interrogeant le monde de l’art et plus particulièrement l’industrie des expositions et le rôle des musées et institutions culturelles aujourd’hui. Inspirée par l’ingéniosité des habitants de la Martinique et de la Guadeloupe, contraints par la géographie et l’écologie de leur environnement, la pratique de Sorin reflète cet esprit d’adaptation et de réutilisation. Pour lui, l’acte de rassembler et d’organiser des rebuts est un procédé à la fois visuel et émotionnel, et cette double approche sert de fil conducteur à ses installations. Ses œuvres sont intrinsèquement liées aux matériaux et à l’impact émotionnel de ces déchets collectés.

      Les œuvres de Marajo, Paul et Sorin dialoguent entre elles, forment un réseau d’idées autour de leurs différentes approches artistiques. Si le contraste est bien présent, il est accepté, adopté. Le concept d’Opacité ouvre une porte : comme un siège que l’on propose d’occuper, une invitation à explorer. Il en résulte un espace qui n’est ni complètement caribéen, ni complètement européen, ni entièrement indépendant. Comme la belle photographie d’un désastre, l’exposition et les œuvres d’art présentées cohabitent dans un entre-deux nébuleux ; un espace où le manque de clarté permet un dialogue chargé d’espoir et de contemplation.