Exposition
Passerelle Centre d’art contemporain présente pour la première fois une exposition monographique de Caroline Mesquita (née en 1989) en Bretagne. La native de Brest construit un projet in situ inédit puisant dans un imaginaire formel local mêlé à son vocabulaire personnel proche de celui de la science-fiction.
Une sculpture monumentale et monolithique investit le patio du centre d’art, mimant un restaurant bâti selon une architecture traditionnelle bretonne en ardoise. A là fois sublime et merveilleux, l’édifice-sculpture rappelle le monde des contes de fées tout en comportant cette part de drôlerie chère à l’artiste. Ce restaurant « fermé pour vacances » n’est pas accessible, il semble réel mais en s’approchant son caractère factice s’affirme. Et pour cause, il est constitué de carton et de peinture acrylique, célébrant le bricolage. Par ailleurs, cette sculpture magnifie l’architecture industrielle de béton si caractéristique de Passerelle, offrant au visiteur un dialogue entre tradition et modernité. Au premier étage du centre d’art, des sculptures en métal sont exposées à la manière de plats de restaurant, dévoilant des mets issus d’une gastronomie fantasmée. Divergente d’un héritage sculptural réaliste, Caroline Mesquita s’engouffre dans une représentation figurative fantastique et onirique. Le noir-ardoise tranchant du restaurant laisse la place à un doré cuivré soyeux ; les échelles sont faussées : la bâtisse se retrouve miniaturisée et les aliments du menu du restaurant deviennent gigantesques.
Cherchant à éviter toute grandiloquence intellectuelle, Caroline Mesquita ramène dans le champ de l’art la notion du plaisir de l’acte créatif. L’exposition se fait ainsi méditation et narration ouverte, laissant une grande part à la divagation et au rêve. En s’appropriant l’espace ouvert et central de Passerelle, l’artiste démontre une capacité à l’ouverture et à un art généreux qui se porte au devant du public. Le festin évoque pour tou.te.s un moment convivial mais aussi une certaine idée du somptueux et de la démesure. Il est le temps des retrouvailles païennes ou religieuses, amicales ou familiales, le temps de la fête gustative dans toutes les cultures depuis les célébrations du nouvel an à l’Aïd ou de Noël à Hanouka. Cette simple joie – le rassemblement – a disparu en 2020 à cause du
contexte sanitaire. Caroline Mesquita essaye ici de ramener ce plaisir fondamental de manière conceptuelle et formelle. L’exposition se développe avant tout comme une célébration de « l’ensemble » et du commun.
Depuis quelques années, Caroline Mesquita a étudié le corps humain sous toutes ses formes, depuis la question de l’identité à sa permanence dans le temps. Pour Le festin, elle observe « ce qui fait fonctionner la machine », de la nourriture comme carburant. Il s’agit également d’éprouver l’idée du ralentissement, du slow life. Les tendances
actuelles de l’ultra-communication et de l’ultra-mobilité sont destinées à s’inverser. « Qu’est ce qui est essentiel à notre existence ? » pourrait en être la question sous-jacente de l’exposition. La réponse de l’artiste, évitant tout lieu commun, est dans la simplicité et l’authenticité : l’art, le temps pour soi, le bien vivre et donc le bien manger.