Exposition
Passerelle Centre d’art contemporain accueille l’artiste iranienne Hoda Kashiha (1986, Téhéran) pour sa première exposition monographique institutionnelle en Europe. Développant une peinture pop, oscillant entre un cubisme décomplexé et une veine cartoonesque, Hoda Kashiha assume une œuvre joyeuse au premier abord qui s’avère parfois grave, étrange, et pleine de second degré. Elle utilise souvent l’humour afin de créer un lien intime avec le visiteur ; ce mécanisme lui permet également d’évoquer des sujets forts et sensibles liés au contexte social et au climat politique de son pays natal. Ses peintures traitent néanmoins de grands sujets contemporains sans frontières tels que les questions de genre et de la place de la femme dans la société. Elle déclarait récemment dans Maake Magazine que « mes peintures ne sont pas conformes aux normes de genre. La signification du masculin et du féminin, ainsi que leurs rôles et comportements sont un concept fluide qui change constamment entre les personnages de mes peintures. ». Chez Hoda Kashiha, les protagonistes militent sans le dire, vivent de différences sans fard et demeurent résolument optimistes.
Ses œuvres sont souvent construites comme des sortes de collages. Différentes couches se superposent, des formes découpées apparaissent tandis que des images sont modifiées par le dessin et l’ordinateur. Cette manière de fragmenter les motifs provoque un dynamisme et une vitalité débordante, comme si les toiles cherchaient à nous empoigner et nous secouer ; à l’instar de la première peinture du parcours barrée du texte « AAAaaa », une dispute visuelle si bruyante !
L’exposition s’articule autour de deux importantes séries récentes : I’m Here, I’m not Here et In appreciation of Blinking. Dans I’m Here, I’m not Here [Je suis là, je ne suis pas là], Hoda Kashiha répète le même motif d’une jeune femme joyeuse jusqu’à l’épuisement. Dans chaque toile, le corps est recouvert d’une marque rouge, d’une forme noire ou est déformé. Cette série montre comment nous pouvons être effacés, exécutés ou censurés par un pouvoir et la mort. Elle interroge également notre capacité à croire en l’existence de quelque chose ou de quelqu’un : si nous ne sommes pas capables de voir, alors cette « chose » n’existe pas. Des peintures autoportées, In appreciation of Blinking [En reconnaissance de cligner des yeux], disposées au centre de l’espace d’exposition, fonctionnent d’une manière similaire. Pour cette installation de 8 toiles, Hoda Kashiha observe le phénomène inévitable du clignement des yeux. Alternant entre noirceur et monde coloré, elle capture des moments et des sentiments paradoxaux de notre quotidien : amour et mort, jalousie et plénitude ou encore torture et bonheur. Le regard, les yeux, la confrontation entre sujet et spectateur sont omniprésents dans ses œuvres, comme si ces dernières scrutaient et sondaient les visiteurs, ou comme si nous étions épiés en permanence dans le monde contemporain. Ne sommes-nous pas constamment suivi.e.s par nos téléphones, enregistrés par les GAFA – les géants du web ? L’univers digital et les réseaux sociaux sont d’ailleurs de grandes inspirations pour l’artiste : des images pixellisés de type rétrogaming côtoient des formes d’émoticônes – des petites représentations graphiques stylisées et symboliques d’une émotion. Avec son foisonnement de couleurs et de formes, Hoda Kashiha réussit un mélange détonant des genres où Picasso furète sur le jeu vidéo Minecraft et les normes du passé explosent gaiement.
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