Lorient (56100)

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Le Lieu de la Photographie

Exposition

09.03.18 → 29.04.18
Muriel Bordier, Nos nouvelles cathédrales 

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©Muriel Bordier, La Leçon de natation, photographie numérique, 170×90 cm, série Les Thermes, 2015

Muriel BORDIER

« Nos nouvelles cathédrales » par Céline Raymond

La relation d’un artiste avec sa contemporanéité est souvent perceptible dans son travail. Il se veut ou pas de son temps. Il le cautionne ou non. Si tel est le cas, la confrontation peut être violente et souvent dérangeante pour le spectateur. 

Ce qui est d’abord frappant chez Muriel Bordier, tient dans cette évidence : elle « colle » à son époque, que ce soit par ses choix techniques, ses thèmes et les problématiques qu’elle met en avant. Elle nous interpelle avec un humour parfois léger, grinçant ou une gravité qui révèle la profondeur de sa réflexion au-delà de l’anecdote. Muriel Bordier met en scène notre modernité pour mieux en soulever les aberrations, les ridicules, les violences, les absurdités et les carences. Elle s’intéresse à ses contemporains et paraît les mettre sous un microscope, pour mieux les observer. Ce recul est capital en ce qu’il révèle le regard justement distancié de l’artiste. Ses représentations humaines sont de la sorte volontairement de très petites tailles mais souvent individualisées, ce qui pourrait s’avérer contradictoire alors qu’en réalité c’est une vraie bonne idée. Comment aborder en effet ces individus personnalisés qui pourraient être nos voisins, des membres de notre famille, face à l’immensité de l’espace qui les contient ? Gagnent-ils ou perdent-ils leur humanité avec leur identité ? Peut-on encore parler d’humanisme quand ces êtres bien réels évoluent dans des sortes de boites que l’artiste observe telle une entomologiste ? On se promène dans les œuvres de Muriel Bordier pour découvrir ces détails qu’on ne perçoit pas à priori et l’on sent qu’on est baladé par l’artiste qui aime faire des pieds de nez à ses contemporains et à nous, par la même occasion.

Le rapport de l’artiste avec son époque est d’abord affaire d’espace, un espace qu’elle maîtrise avec beaucoup de soin. Ses espaces sont monumentaux, qu’il s’agisse de piscines ou « d’open space ». Elle va jusqu’à en montrer les reflets, ténus. En démiurge qu’elle est de son monde, elle instaure ainsi une sorte de théâtre dans lequel elle disposera ses personnages pour suggérer une situation porteuse de sens, ou, le comble de tout, des situations surréalistes lorsqu’elle touche à l’absurde. Il en est ainsi de ses nageuses, presque mécanisées. L’espace de Muriel Bordier est un espace actuel de part sa monumentalité, et, aseptisé, quand il ne sent pas carrément le chlore. Il constitue aussi une sorte de temple austère de notre modernité, du capitalisme en col blanc avec ses accessoires comme les petits ou grands écrans d’ordinateurs. La série des Open Space est d’une gravité voulue. L’espace est traité en un clair-obscur admirable qui donne une intériorité à ces scènes. Ces œuvres sont intelligentes en ce qu’elles savent réconcilier le passé et le présent dans une réussite évidente. Cet espace est en réalité une sorte de cathédrale laïque dans lequel on sent que l’homme moderne est peu de choses. Muriel Bordier va d’ailleurs jusqu’à baptiser l’une de ses œuvre « l’annonciation ». Elle représente aussi une réunion qui a tout de la « Cène » de Vinci. Quant au conférencier, il évoque un prêcheur mais qui prêcherait dans le désert, car, malgré ces thèmes bibliques ces espaces sont sans Dieu, et l’homme est peu de choses, ici, même s’il lui arrive de gesticuler. 

Les moyens de Muriel Bordier puisent aussi dans un classicisme assumé. Il se traduit par l’expressivité des personnages, le jeu des gestes et des regards qui rappellent les grandes compositions à personnages multiples du XVIIe siècle. De même le choix du clair-obscur est dans la lignée d’un Caravage et de ses suiveurs. Notre artiste ne fait donc pas table rase de l’histoire de l’art. Elle ne se pose pas en opposition ou en rupture avec les siècles passés. Son œuvre s’inscrit au contraire dans un prolongement presque naturel qui devrait la rendre pérenne parce qu’elle lui donne une vraie universalité.

INFORMATIONS SUPPLÉMENTAIRES

  • Vernissage le 22.03.18 à 18h30