Rennes (35000)

Informations Pratiques

Galerie Oniris ● Florent Paumelle

Exposition

11.03.16 → 21.05.16
Véra Molnar – Lignes ou Meule ?

Véra Molnar

Galerie ONIRIS - Rennes - mars 2016 - Lignes ou Meule ? - Salle du mileu

Galerie ONIRIS – Rennes – mars 2016 – Lignes ou Meule ? – Salle du mileu

Galerie ONIRIS - Rennes - mars 2016 - Lignes ou Meule ? - depuis la porte d'entrée

Galerie ONIRIS – Rennes – mars 2016 – Lignes ou Meule ? – depuis la porte d’entrée

Galerie ONIRIS - Rennes - mars 2016 - Lignes ou Meule ? - Salle de l'entrée

Galerie ONIRIS – Rennes – mars 2016 – Lignes ou Meule ? – Salle de l’entrée

Du 11 mars au 14 mai 2016, VERA MOLNAR revient à Rennes pour une exposition intitulée “Lignes ou Meules ?”, ensemble de travaux récents (peintures, dessins à la main et ordinateur et photographies) en hommage à la série des “Meules” de Claude Monet.

 

Deux choses s’imposent à la conscience d’un artiste, même le plus jaloux de sa liberté: la nature d’un côté, l’exemple des maîtres du passé de l’autre. Si, dans sa démarche radicale, VERA MOLNAR peut donner l’impression d’en faire table rase, avec ses froids algorithmes guidant d’aveugles tables traçantes, on sait bien qu’en réalité elle les a toujours à l’œil. Elle risque d’autant moins de les oublier qu’elle les aime profondément. Il y a même, entre son inlassable contemplation de la nature et son attachement à quelques géants de l’histoire de la peinture, un lien direct : une conviction que certains ont réussi à mieux voir et faire voir le monde, à toucher quelque chose de son mystère en mettant au point leur méthode révolutionnaire et géniale, au prix d’un travail acharné, souvent répétitif, fondé même sur l’idée d’épuisement. C’est bien sûr Cézanne, variant à l’infini la répartition de la lumière et des couleurs autour du profil un peu aberrant de la Montagne Sainte-Victoire. C’est aussi Monet, que l’on voit comme le peintre de la sensation pure et fugitive, le seul capable de restituer l’émotion d’un instant au bord de l’eau sous les peupliers tremblants, celle d’une ondulation de blé et de coquelicots, mais qui est justement le plus scientifique de tous, progressant par l’expérience, la variation, la vérification : le père de l’art sériel et itératif. Dans son Hommage à Monet de 1981, aujourd’hui au musée des Beaux-Arts de Rennes, Vera Molnar décortiquait l’effet hypnotique des petits reflets orange d’Impression, soleil levant à travers une série de « tableaux » où la proportion et la répartition de petits rectangles de couleur étaient soumises par l’ordinateur à une combinaison de contraintes et de hasard.

En 1872, au moment où il peint le tableau qui donnera son nom à l’impressionnisme, Claude Monet est encore bien loin d’imaginer ses grandes séries des années 1890 : cathédrales de Rouen, peupliers, plus tard nymphéas… Le tout premier de ces motifs obsédants, celui qui entraîne Monet dans l’aventure, n’est autre que cette forme sommaire et indolente de la meule, de paille ou de foin, qui se multiplie sous la chaleur de l’été. Un modeste monticule qui va revêtir dans l’histoire de l’art une importance capitale ; un objet formé de millions d’éléments minuscules et identiques, mystérieusement combinés. Comment pouvait-il échapper à VERA MOLNAR ?

Entre le clin d’œil à Monet et la fascination du motif lui-même, difficile de déterminer ce qui, chez elle, a déclenché un jour l’inspiration qui devait aboutir, près de quarante ans plus tard, à l’un des ensembles les plus saisissants de son œuvre. Les carnets deVERA MOLNAR conservent le souvenir précis de cet été 1977 où, à Tihany, au bord du lac Balaton en Hongrie, elle observe la forme minimale d’une meule, un demi-cercle presque parfait, qu’elle dessine rempli de segments désordonnés. Entre la meule et le fond, il n’y a qu’une certaine différence de désordre et de densité. D’emblée le motif suggère ses immenses possibilités, et pourtant il restera sous le boisseau pendant de longues années. En juillet 1989, VERA MOLNAR est en Normandie, face à la mer. Elle y observe plutôt les contorsions imprévisibles des algues figées dans le sable après la marée. La platitude de la sublime et vaste plage lui fait-elle désirer un peu de relief ? Le travail sur la Sainte-Victoire continue, et les meules lui reviennent en mémoire. Une recherche plus systématique s’enclenche, reprenant, avec des essais de couleurs émiettées qui se répartissent au sein de la forme ronde et alentour, les premiers croquis de Tihany. Les meules sont très simplifiées, elles pourraient être des collines, une Montagne Sainte-Victoire recentrée. Plus tard l’artiste fera une concession à la forme historique, rétrécie vers le bas. Elle s’essaiera aussi aux cylindres parfaitement géométriques des meules modernes, qu’elle photographie avec gourmandise mais qui, curieusement, résistent davantage à l’exercice. Pour l’heure, l’important est cette rupture entre l’intérieur et l’extérieur du motif, rupture floue bien sûr, frontière à la fois indiscutable et imperceptible. Dans cet ensemble d’études de 1989, les variations de couleur produisent immanquablement des effets atmosphériques et font penser à la série de Monet. Mais il faudra attendre encore longtemps pour que le thème des meules déploie tout son potentiel et devienne un grand chapitre de l’œuvre de VERA MOLNAR.

C’est en 2013, précisément à la naissance de l’été, le 21 juin, que fait irruption une œuvre-programme extraordinaire. En noir sur une toile blanche, trois zones remplies par les mêmes petits traits, dont seules les inclinaisons varient, composent le sol, la meule et le fond. Le passage d’une zone à l’autre est imperceptible si l’on regarde de trop près, il s’affirme avec le recul. Mais le plus savoureux, c’est que ces petits segments de droite, qui sont la forme la plus abstraite, la plus minimale, la plus inexpressive que l’on puisse imaginer, apparaissent aussitôt comme autant de fétus de paille joyeusement entremêlés, évoquant la chaleur de l’été au point que l’on croit entendre le bourdonnement des abeilles. Ce tableau intitulé Meule, en hommage à Monet (1977-2013) retrouve paradoxalement un principe essentiel de l’impressionnisme alors qu’il n’utilise que le trait, et aucune couleur.

Mais ce n’est que le début d’une nouvelle phase de recherche jubilatoire, car la machine est dangereusement lancée et il va falloir pousser toujours plus loin l’expérience. Tantôt les formes seront simplifiées à outrance, le motif de la meule au milieu de son champ se réduisant à trois rectangles superposés, trois couches de segments diversement organisés – un sommet dans l’art du paysage ; tantôt les couleurs seront réintroduites, mais naturellement elles seront aléatoirement réparties et sans rapport avec le sujet : il y a tout de même quelques règles à respecter. L’épaisseur du fétu peut aussi être augmentée et le corps de la meule se détachera alors d’un fond plus diaphane, créant un effet de perspective atmosphérique. Entorse supplémentaire (doit-on encore les compter ?) à l’orthodoxie de l’art concret, l’œuvre pourra, par ses couleurs, évoquer une heure du jour – ou de la nuit : à partir du début de l’année 2014, l’idée de la Meule, la nuit joue sur la couleur bleu-noir, mais rappelle aussi cette invention impressionniste de la luminosité intense de l’ombre.

Selon un procédé qu’elle utilise depuis longtemps mais qui, dans ses séries de meules, est particulièrement explicite, VERA MOLNAR fait des étapes de la recherche le corps même de l’œuvre: ainsi l’édition des Meules, dispersion des couleurs en 6 étapes (2013) montre comment, à partir de trois couleurs de départ correspondant au sol, à la meule et au fond, leur dispersion à des degrés croissants de 5, 10, 15, 20, 25 et 30%, transforme la sensation visuelle. C’est à un trouble profond que l’on s’expose en se demandant si l’on préfère la meule à 5% ou celle à 30%. Et si l’on vient ensuite à se demander pourquoi… En même temps que le petit souvenir entêtant du ravissement vaporeux de la peinture de Monet, la danse infernale des fétus inclinés dans tous les sens porte des interrogations sans fin sur notre rapport au monde visible. Leur caractère élémentaire accroît la fascination qu’ils exercent, et l’on se laisse volontiers persuader avec leur créatrice que l’univers n’est que désordre et légèreté.

“Véra, que fétu ?” un texte de Laurent Salomé – février 2016

 

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INFORMATIONS SUPPLÉMENTAIRES

  • Exposition : du vendredi 11 mars au samedi 21 mai 2016 (prolongation)
  • Galerie Oniris – 38 rue d’Antrain – 35700 Rennes