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- Passerelle Centre d’art contemporain
- 2025
N’oublie jamais jamais les fleurs
- Exposition
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- 28.02.25 → 17.05.25 ExpositionPasserelle Centre d’art contemporain
- Marie Boyer
Lauréate des Chantiers-Résidence, dispositif porté par Passerelle et Documents d’artistes Bretagne, Marie Boyer (1997) expose une série d’œuvres inédites réalisées à Passerelle. Diplômée de l’École européenne supérieure d’art de Bretagne – site de Quimper, l’artiste développe au centre d’art un jardin étonnant et joyeux où la peinture se mêle à la botanique et à l’esthétique japonaise des mangas.
« Il y a des fleurs partout pour qui veut bien les voir » déclarait Henri Matisse. Cette citation cheesy – un peu kitsch – pourrait décorer une boîte de chocolat ou orner le fronton d’une jardinerie ; pourtant elle amène à des réflexions bien plus profondes qu’elle ne le semble sur le rôle de l’art et de la présence de la joie dans nos vies. Cette phrase dite par un si célèbre peintre raconte beaucoup de la pratique de Marie Boyer. Elle voit les fleurs comme des « êtres vivants destinés à être peint », comme une sorte de motif idéal et parfait. Cet amour de la flore lui vient pour part de sa famille d’un côté originaire de l’île de la Réunion où les plantes foisonnent inconsidérément et d’un autre côté de l’un de ses grands-pères qui était passionné de composition florale. Ce dernier les documentait en les photographiant et les classant soigneusement dans des classeurs que l’artiste a observés attentivement.
Marie Boyer regarde avidement l’histoire de la peinture, sachant pertinemment que les fleurs sont un sujet et une iconographie particulière qui ont été largement représentées par ses pairs. Comprendre l’histoire de l’art lui permet de comprendre sa propre pratique d’artiste. Elle observe les peintres de la Renaissance, voue une passion à Jean Siméon Chardin (1699-1779) et à Diego Velázquez (1599-1660) tout en appréciant des œuvres plus modernes et contemporaines depuis Georgia O’Keeffe (1887-1986) – peintre américaine solitaire, inclassable, qui la fascine tant pour son art que pour ses choix de vies – au duo Ida Tursic & Wilfried Mille (1974) qui sonde les profondeurs anonymes d’internet. Marie Boyer s’intéresse à ce qui différencie « la bonne peinture » de la croûte : est-ce une question de technique, de positionnement ou encore de statut ? Elle s’astreint à changer régulièrement de style, parfois entre chaque peinture, parfois après une série ; il s’agit d’un besoin qui nourrit sa pratique. À Passerelle, elle fait le choix de transposer la planéité de la toile dans l’espace, transformant les peintures traditionnelles en sculpture étonnantes. Les salles d’expositions deviennent jardin exubérant. Les fleurs sont comme des personnages dans lesquels le public peut projeter ses propres envies, ses désirs et ses expériences. Lorsque Marie Boyer représente des corps, ceux-ci servent de support à ses motifs végétaux. Certaines des fleurs présentées reprennent des bribes d’animés issus de la culture manga japonaise tels que Sailor Moon et Cat’s Eyes. Marie Boyer expliquait récemment que « la peinture est une magie joyeuse qui permet de trouver des solutions infinies pour représenter le monde ». Cette phrase s’avère aussi cheesy et sérieuse que celle de Matisse et dévoile la conception de l’artiste : la peinture est avant tout une question de plaisir !
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- Passerelle Centre d’art contemporain
- 2025
Setu avec Charlotte Beltzung, Romain Bobichon, Pauline Lecerf
- Exposition
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- 28.02.25 → 17.05.25 ExpositionPasserelle Centre d’art contemporain
- Setu avec Charlotte Beltzung, Romain Bobichon, Pauline Lecerf
Setu est un laboratoire qui défend la création en invitant et en accompagnant les artistes à présenter des formes performatives, vivantes et en écriture. « Setu » signifie “voici, voilà” en breton (prononcez “sétu” \ˈsetːy\ ). Mot de début et mot de fin, « Setu » est un terme qui, littéralement, montre et présente. « Setu » ouvre et ponctue une action, et par là, met en valeur le moment présent de la représentation. Setu est né de la volonté de générer de la rencontre au croisement de différentes pratiques, scènes et générations d’artistes, afin de construire ensemble le festival Setu qui a lieu chaque fin d’été à Elliant dans le Finistère Sud depuis 2016.
Au cœur de l’association Setu, on trouve un groupe d’artistes-auteur.ices, qui s’augmente régulièrement d’équipes professionnelles et bénévoles. Son projet a évolué au fil des années au contact d’un grand nombre d’artistes au travail. Trois de ces artistes – Pauline Lecerf (1993), Charlotte Beltzung (1989) et Romain Bobichon (1988) – sont invité.es à investir l’espace d’exposition aux côtés de Setu en proposant des œuvres qui entrent en écho avec les enjeux d‘un art vivant, tout en action et en métamorphoses.
Un ensemble de matériel et d’outils nécessaire à des activations de l’exposition incarne, au même titre que les œuvres, l’écosystème du festival. Ces formes hybrides sont autant d’éléments de récits capables de tisser des liens entre ce qui se joue à Passerelle et l’histoire qu’est Setu.
Durant l’exposition, des rendez-vous sont donnés au public de Passerelle, l’occasion de convier d’autres artistes et associations amies à participer au mouvement. Les équipes du festival habiteront également l’espace du centre d’art pour des temps de travail en commun et au contact des publics. Ces activations sont pensées comme un élargissement, une mise en tremblement de l’exposition qui célèbre la porosité des gestes au sein de Setu. Un moyen d’affirmer une posture de collectif à la fois artiste, auteur et diffuseur, et de révéler les temps de création et d’écriture qui animent l’association depuis ses débuts.
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- Passerelle Centre d’art contemporain
- 2025
Eaux troubles : réfractions des Caraïbes
- Exposition
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- 28.02.25 → 17.05.25 ExpositionPasserelle Centre d’art contemporain
- Louisa Marajo, Jérémie Paul, Yoan Sorin - Curator: Arden Sherman
En 1902, en Martinique, la montagne Pelée est entrée en éruption, dans ce qui s’est avéré depuis la pire catastrophe volcanique du 20e siècle. Elle a tué trente mille personnes et complètement détruit la ville portuaire de Saint-Pierre. Quarante ans plus tard, de l’autre côté de l’océan Atlantique, les troupes américaines libéraient la ville de Brest, alors sous occupation allemande, lors de violents bombardements pendant la Seconde Guerre mondiale. Le paysage est dévasté, jonché de ruines et on dénombre près de mille morts. Si ces deux évènements diffèrent par bien des aspects, le résultat est le même : deux villes animées, pleines de vie, ont été rasées et réduites au silence. L’immortalisation en photographie de ces désastres a produit des images de destruction aussi riches en émotions que fascinantes : structures vides, rues couvertes de poussières laissant apercevoir un horizon dégagé. Des images magnifiques, pour un sujet catastrophique.
Nous vivons une époque marquée par ses divisions, caractérisée par de forts contrastes au sein d’un contexte mondial. Des dichotomies comme rouge et bleu, droite et gauche, beau et laid, ou désastre et triomphe, sont amplifiées par les médias, la politique et la culture visuelle. Capturer une image d’une catastrophe constitue souvent une très belle photographie, ce qui nous amène à penser la tension entre ces forces opposées. S’il existe bien une tendance humaine à vouloir « convertir » l’autre, la philosophie de l’auteur et penseur martiniquais Édouard Glissant (1928-2011) propose une autre possibilité. Glissant souligne le pouvoir de l’Opacité et suggère qu’une coexistence pacifique est un outil plus puissant que toute tentative de transformer l’Autre. Comme il l’écrit, « Seulement en concevant qu’il est impossible de réduire qui que ce soit à une vérité qu’il n’aurait pas générée de lui-même » (« Pour l’Opacité », in Poétique de la relation, 1990, p. 208).
Le concept d’Opacité, qui épouse contrastes et dualités, constitue une clef pour comprendre les travaux de Louisa Marajo (1987), Jérémie Paul (1983) et Yoan Sorin (1982), trois artistes d’origine caribéenne francophone qui vivent et travaillent actuellement dans l’hexagone. Leur histoire, tout comme celle des îles volcaniques de la Martinique et de la Guadeloupe dont ils sont originaires – de puissantes masses terrestres émergeant du bleu chatoyant de la mer des Caraïbes – n’a rien de linéaire. Telles des eaux troubles qui limitent la transparence, Marajo, Paul et Sorin naviguent entre deux domaines qui se chevauchent : l’un prend racine dans la lointaine histoire coloniale de leurs ancêtres, l’autre est modelé par leur vie actuelle dans le monde globalisé de l’art contemporain.
Pour Louisa Marajo, l’enquête qu’elle mène sur la biologie de la Martinique fournit une perspective éclairante sur son œuvre. Elle se concentre sur l’imagerie des herbes marines toxiques qui menacent le littoral en perturbant à la fois l’écosystème naturel de l’île et la vie de ses habitants. Son œuvre dynamique s’inspire de la destruction de Brest en 1944 ainsi que de la désintégration continue de la planète liée à l’ingérence humaine. Cette réflexion sur le passé donne un aperçu poignant et quasi prophétique de l’avenir : si nous échouons à prendre soin de nos ressources naturelles, que restera-t-il ? Cette vaste installation peut être vue comme une vague, une montagne, ou simplement une force énergétique : un geste évocateur désignant les effets du changement climatique et de l’influence humaine sur notre fragile Terre.
Jérémie Paul plonge dans les récits créoles, les histoires et émotions familiales, et y trouve de riches sources d’inspiration. Sa pratique explore des thèmes régénératifs : l’interprétation de la danse, des sonorités musicales, des paysages marins et terriens, ou des couleurs. Paul a une approche additive, par strates : chaque idée s’appuie sur la précédente. Fondé sur l’analyse de son histoire personnelle – qui il est aujourd’hui, d’où il vient et quelles ont été les expériences de sa famille – Paul crée des récits hauts en couleur, faits de paysages oniriques, de puits émotionnels et de réfractions existentielles.
Yoan Sorin travaille à partir d’objets trouvés, recyclés – vestiges des expositions passées – interrogeant le monde de l’art et plus particulièrement l’industrie des expositions et le rôle des musées et institutions culturelles aujourd’hui. Inspirée par l’ingéniosité des habitants de la Martinique et de la Guadeloupe, contraints par la géographie et l’écologie de leur environnement, la pratique de Sorin reflète cet esprit d’adaptation et de réutilisation. Pour lui, l’acte de rassembler et d’organiser des rebuts est un procédé à la fois visuel et émotionnel, et cette double approche sert de fil conducteur à ses installations. Ses œuvres sont intrinsèquement liées aux matériaux et à l’impact émotionnel de ces déchets collectés.
Les œuvres de Marajo, Paul et Sorin dialoguent entre elles, forment un réseau d’idées autour de leurs différentes approches artistiques. Si le contraste est bien présent, il est accepté, adopté. Le concept d’Opacité ouvre une porte : comme un siège que l’on propose d’occuper, une invitation à explorer. Il en résulte un espace qui n’est ni complètement caribéen, ni complètement européen, ni entièrement indépendant. Comme la belle photographie d’un désastre, l’exposition et les œuvres d’art présentées cohabitent dans un entre-deux nébuleux ; un espace où le manque de clarté permet un dialogue chargé d’espoir et de contemplation.